Viseu Portugal

OBSERVATIONS MYCOLOGIQUES AUTOMNALES A VISEU (Portugal) ET ENVIRONS
Ançay Jacques
Faibella Jean-Michel
Ferreira Agostinho
Keim Christian

Société de mycologie de Martigny et environs, section de l’ACVM

Durant les vacances d’automne 2015, soit du 21 au 24 octobre, nous avons eu la chance de nous rendre au Portugal dans la région d’origine de notre ami Agostinho. Nous espérions bien y observer des champignons mais, à cette période de l’année, ils ne sont pas toujours au rendez-vous. Heureusement, les jours qui ont précédé notre arrivée ont été quelque peu pluvieux.

portugal1

Depuis Porto, nous avons rejoint Viseu, petite ville charmante, chef lieu régional situé au centre du pays. Nous avons donc prospecté les environs de cette ville en rayonnant depuis le village natal de notre collègue mycologue. Cette région à dominance granitique connaît un climat continental avec de fortes amplitudes thermiques : hivers relativement rigoureux et humides et étés très chauds et secs.
Les forêts sont constituées essentiellement de pins parasols (Pinus pinea), de diverses espèces de chênes, dont le chêne du Portugal (Quercus faginea) associé au châtaignier (Castanea sativa). De nombreuses surfaces forestières ont été ravagées par des incendies ; aussi, la revitalisation des zones brûlées privilégie une essence non indigène, l’eucalyptus (Eucalyptus globulus), arbre à croissance rapide dévolu à la production de pâte à papier et de bois de chauffe, notamment.
En regard des surfaces herborisées, le nombre d’espèces est relativement élevé par rapport à l’homogénéité des boisements. Ce qui surprend immédiatement le nouvel arrivant est l’épaisseur de la couche d’aiguilles de pins qui jonche le sol forestier.
bolet des pins

Autrefois, cette couche et les fougères associées étaient ramassées pour constituer la litière du bétail. Aujourd’hui, les exploitations avec du bétail ont quasiment disparu, ce qui explique cet imposant tapis qui craque sous les pas. Ceci étant dit, quelle ne fut pas notre surprise de voir partir vers les bois les cueilleurs de champignons locaux avec un râteau et un piochard ! Bizarre…

Quasiment toutes les forêts étaient constellées d’amas d’aiguilles déplacées au gré des recherches effectuées au pied des jeunes pins. L’objet de la convoitise des mycophages se nomme le canari, le célèbre tricholome équestre pourtant banni des listes des champignons comestibles. Comme de surcroît se tenait un marché le dimanche 26 octobre à Sátão, une foule de ramasseurs de divers horizons ratissaient la région à la recherche de ce diamant jaune, vendu en début de saison jusqu’à 25 euros le kilo.

Bien évidemment, nous en avons ramassé et préparé pour une dégustation qui s’est avérée fort réussie. Nous avons fait de même avec le lactaire délicieux et le sparassis crêpu ! A part cela, les villageois dédaignent, pour la plupart, les cèpes dont nous avons trouvé de beaux exemplaires dans les zones un peu plus humides sous les chênes et les châtaigniers.

Avant de conclure, il faut mentionner que les champignons que nous avons dégustés étaient accompagnés d’excellents vins de la vallée du Douro ! Afin de lutter contre l’épaisseur de la litière forestière, nous avons encouragé Agostinho à nous concocter une brisolée portugaise à l’ancienne, la préparation de celle-ci remontant à ses souvenirs scolaires. Il a donc disposé dans son jardin, dans un endroit adéquat, une bonne couche d’aiguilles de pins. Les châtaignes, cueillies 100 mètres plus loin chez son cousin, ont ensuite été réparties sur ce lit sec puis recouvertes d’une couche identique de combustible naturel ; et hop quelques allumettes ont suffi à embraser le tout. Dix minutes plus tard, les fruits de notre convoitise étaient récupérés fumants, prêts à être
dégustés. Un vrai régal accompagné de charcuteries locales aussi savoureuses que bon marché et d’un fromage de chèvre à point. Que du bonheur !
dégustation
Cerise sur le gâteau, grâce à des contacts Facebook, notre hôte nous a arrangé un rendez-vous dans une culture de champignons tenue par un jeune ingénieur agronome à Viseu. Très intéressant de voir des amas organisés de branches de chênes, châtaigniers et eucalyptus qui, à tour de rôle, produisent des shiitakes (Lentinula edodes) grâce à des abaissements de température générés par aspersion d’eau. Là encore, mycologie et gastronomie ont fait merveille car nous avons pu acheter des saucisses à base de shiitakes et de légumes (donc 100% végétariennes) ou contenant de la viande (tout de même).

A tout ceci, il faut ajouter que grâce à notre guide (qui allait déjà aux champignons dans son enfance), nous n’avons rencontré que des gens sympathiques et très accueillants ; eh oui, il y a encore des Portugais qui vivent chez eux, ils ne sont pas tous en Suisse ou en France, Dieu merci !

Finalement, muito obrigado à Agostinho pour l’organisation parfaite de cette sortie, dépaysement gravé à jamais dans notre mémoire, notre estomac et notre cœur.